Depuis quelques années, pour compléter la petite pension de retraite de son couple, Madame Christiane Louise-Thomas expose et vend, sur la terrasse de son humble case d'ilet à Bourse-les-Hauts, divers chapeaux et pochettes patiemment tressés en Vétiver, Agapanthe ou Vacoa. Une production faite sur place, à Mafate, que nous vous invitons à aller découvrir autant pour son aspect traditionnel que pour rencontrer cette artisane aussi vénérable qu'émouvante. Portrait.
Se rendre jusque chez Christiane et Michel Louise-Thomas nécessite un brin d'attention et un soupçon d'abnégation. Aucun panneau n'indique l'emplacement de leur maison. Et la montée pour y arriver est relativement casse-pattes. Il faut prendre le discret petit embranchement qui monte vers le sentier panoramique d'ilet à Bourse Les Hauts (repère : il est à proximité de la passerelle et des énormes pieds de bambous). Et de là, monter une bonne quinzaine de minutes pour arriver jusque chez eux : une petite case au toit rouge sur votre droite. Demandez à nos éclaireurs de l'Ouest, Clovis ou Mathieu, si vous pouvez toutefois aller les rencontrer, afin de ne pas les déranger.
Doyens de l'ilet, Christiane et Michel ont tous deux 73 ans et vivent en quasi totale autonomie dans cette case perchée. Ils sont pourtant parents, grands-parents et arrières-grands-parents d'une bonne partie des habitants de l'ilet à Bourse. Mais malgré l'étendue de cette descendance, les visites familiales se font rares : « nou fait avec, ban marmailles lé grands aster ». Certains des enfants ou neveux-nièces sont restés (Lucile, cantinière à l'école ; Richeville qui s'occupe de l'asso de l'ilet ; Johnny (dont nous avions fait le portrait ici) et Christophe qui gèrent les deux seuls gîtes de l'ilet (à réserver ici), mais beaucoup sont descendus vivre dans les bas.
Nous devinons, par l'entre-baillement des portes et fenêtres, des conditions de vie assez sommaires. Michel cultive sur ses terres escarpées les graines, plantes et fruits servant de base à leur alimentation. « Des fois nous gagn faire livrer des choses par hélicoptère mais nou fait attention car lé cher ». Il nous fait aussi visiter le boucan de l'autre côté de la cours. Nous sommes estomaqué par cette cuisine d'un autre temps.
De son côté, Christiane s'est mise il y a quelques années au tressage : « j'avais appris le tressage quand j'étais jeune. J'ai recommencé là parce qu'il fallait bien que j'essaye d'agrémenter un peu le quotidien. Si possible compléter un peu notre petite retraite aussi ».
Après avoir exposé ses chapeaux, éventails, paniers et sacoches sur la table de sa terrasse, elle s'empresse de nous montrer sa technique et nous expliquer la transformation des produits de base (cueillir, faire bouillir, laisser sécher, racler au couteau, etc..). Nous la sentons fière et heureuse de partager son savoir. Nous sommes autant ému par son implication, son artisanat, que par sa manière d'être. Nul doute que cette sincérité et cette authenticité vous toucheront vous aussi lorsque vous irez la voir.
Habitué à notre petit confort de la vie des bas (voiture, internet, tv, accès aux temples de la consommation, etc..) nous les interrogeons aussi sur les difficultés du quotidien dans un ilet, à l'écart de tout et de tous. Qui plus est pour des personnes âgées. Leurs réponses nous laissent sans voix : « En fait, la vie était bien plus dure avant ! Et nous sommes heureux d'être ici. Nous n'avons pas besoin de plus. On ne s'ennuie pas, il y a toujours quelque chose à faire. Certes c'est parfois plus compliqué maintenant que nous sommes âgés. La santé vacille un peu. Mais notre vie est ici et nous voulons la finir là ».
Christiane et Michel incarnent à eux seuls une autre époque, un autre mode de vie. Et sont d'une extrême authenticité.
Si vous passez par ilet à Bourse, n'hésitez pas à faire l'effort d'aller à leur rencontre. Non seulement pour voir-acheter les produits de Christiane. Mais aussi parce que ces deux gramoun mafatais, par leur extraordinaire humanité, vous laisseront (comme à nous) un souvenir impérissable.
Texte et photos : Sandrick. Agence Zed.