Aujourd’hui on vous propose d’entrer à nos côtés dans les coulisses de Kélonia l’Observatoire des tortues marines de La Réunion.
À la fois aquarium, musée et centre de soins, Kélonia est un lieu entièrement dédié aux tortues de mer.
Le temps d’une matinée, nous allons suivre l’équipe de soigneurs et vous partager le quotidien de ceux qui œuvrent pour sauver des reptiles marins malades ou blessés.
Chaque année, ils recueillent et soignent en moyenne 35 tortues avant de les relâcher dans l’océan Indien si leur état de santé le permet.
Nous aurons d’ailleurs la chance d’assister au premier relâché de tortue de 2021. Un moment magique réservé qu’à quelques privilégiés.
Immersion dans le centre de soins des tortues de La Réunion,
Nous avons rendez-vous à 7 h devant Kelonia avec Jérémy, l’un des 4 soigneurs.
À notre arrivée nous rencontrons le restant de l’équipe du matin : Mathieu le responsable, Hugo et Jean-Marie les deux autres soigneurs.
Tout le monde se retrouve dans le laboratoire pour prendre connaissance de ses missions de la journée. Chaque soigneur a des tâches bien définies.
Aujourd’hui Jérémy s’occupe des tortues de terre et de l’entretien du circuit, Hugo du nourrissage et Jean-Marie des soins des tortues de mer.
Ils ont un programme bien chargé !
Alors que les portes de Kelonia sont encore fermées au public, les soigneurs s’activent !
Jérémy nous emmène avec lui dans le local où les tortues radiata passent la nuit (afin d’éviter les vols). Il y en a de toutes les tailles, certaines viennent juste de naître, elles sont minuscules.
Le jeune homme fait de nombreux aller-retour sous la chaleur déjà pesante.
Objectif : installer les 24 tortues de terre dans le parc à l’extérieur.
Il nous présente les impressionnantes tortues éléphantines des Seychelles qui, elles, n’ont pas quitté le parc.
Harold, Le doyen de Kelonia 64 ans, 130 kilos. Un beau bébé !
Mais pas aussi imposant que son compère Bulldozer avec ses 230 kilos.
Il faut maintenant nourrir toute la troupe. Jérémy disperse des morceaux de chouchou, brèdes et choux sur le sol, et remplit les gamelles d’eau.
Le soigneur nous explique qu’il est important de varier l’alimentation des tortues afin d’éviter les carences. Il ajoute même des compléments alimentaires aux légumes.
Les radiata se pressent pour venir dévorer leur festin, elles ont de suite flairé leur repas. Harold non plus ne se fait pas prier pour engloutir la verdure.
Pendant ce temps là Hugo prépare la popote pour les tortues marines à l’intérieur du labo. C’est qu’il y a des bouches à nourrir : 40 tortues, dont 7 en centre de soin. Il découpe à tour de bras, brèdes, chouchous, choux.
Jean-Marie quant à lui est à l’extérieur auprès des reptiles marins du centre de soin.
Il nous montre les 4 espèces de tortues présentes chez Kélonia : verte, caouanne, imbriquée et olivâtre.
Ces tortues malades ou blessées recevront les soins nécessaires avant d’être relâchées dans l’océan Indien.
Il injecte une dose d’antibio à Camilla et vide ensuite l’eau des bassins individuels pour ramasser les crottes.
Le but ? Collecter les éventuels morceaux de plastique ingéré par les tortues dans l’océan. Un moyen de recenser les dégâts de la pollution plastique.
Les chiffres font peur à voir : 40% des tortues avalent du plastique !
Briquet, papier de bonbon, bouchon de bouteille, jouet d’enfant, fil de pêche ou sachet… Les soigneurs ont déjà retrouvé jusqu’à 100 grammes de plastique dans l’estomac d’une seule tortue.
Les 3 soigneurs se retrouvent pour s’atteler aux tâches communes.
Jérémy enfile son maillot de bain, son masque et son tuba, Jean-Marie saisit une immense balance, Hugo prend de quoi noter et nous partons vers le bassin d’acclimatation pour peser, mesurer et toiletter les tortues.
La pesée est programmée une fois par mois, elle permet de suivre l’évolution des reptiles marins et d’identifier d’éventuels soucis de santé.
Et là encore c’est sportif ! Mais les garçons sont bien organisés.
Jérémy plonge dans le bassin pour sortir les tortues une à une.
Certaines dépassent la centaine de kilos, 6 bras ne sont pas de trop pour les manipuler.
L’un sangle, l’autre tire la corde pour soulever la tortue sur la balance.
Les plus gourmandes ont pris 3 bons kilos durant le mois de décembre.
Après la pesée, à l’aide d’un mètre, ils mesurent la longueur de leur carapace. Toutes ces données sont minutieusement notées.
Les tortues ont ensuite droit à une mise en beauté.
Les garçons brossent leur carapace avec du sable pour enlever les algues et vérifier qu’elles n’ont pas de blessures.
Les soigneurs prennent le temps de nous raconter l’histoire de chaque reptile marin.
Arthur a subi une opération pour lui retirer l’hameçon qu’il avait avalé. Il a encore plusieurs points de suture dans le cou, mais il sera relâché d’ici quelques semaines.
Ce n’est pas le cas de toutes les tortues. Celles qui sont trop handicapées et affaiblies passeront le reste de leur vie chez Kelonia.
Comme Lili, elle a pris une flèche de harpon dans l’œil, ou Boucan, qui a perdu une nageoire car elle a été attaquée par un requin au large et la nageoire trop abimée a dû être amputée.
Kelonia ouvre ses portes au public et la pesée continue sous le regard intéressé des visiteurs.
Alors que Jérémy s’en va nettoyer les vitres des bassins pour entretenir les circuits, nous restons avec Hugo.
Le soigneur prépare les rations de nourrissage pour les tortues carnivores.
Un peu comme au resto, chacune d’entre elles a droit à son menu personnalisé. Il est défini en fonction de son poids, et de sa pathologie.
Hugo remplit les barquettes individuelles de thon, calamars, crevettes… et pèse tout au gramme près. Le repas c’est aussi l’occasion de donner les traitements médicaux.
À l’extérieur les choses s’accélèrent.
Il faut préparer Cassandre pour sa sortie. Après 8 mois de soin chez Kélonia, la tortue caouanne pêchée accidentellement en mai va retrouver sa liberté.
Jean-Marie nous informe que depuis 2002 le centre de soin a développé un partenariat avec les pêcheurs. Ils signalent les tortues accidentées et les rapatrient afin que Kélonia prenne le relais. Grâce à eux plusieurs tortues sont sauvées chaque année.
Le soigneur sort Cassandre de son bassin et l’installe dans un grand bac bleu.
Il est temps pour Cassandre de rejoindre l’océan. L’équipe charge le bac bleu sur un chariot et accompagne la tortue sur la plage de Saint-Leu.
Plusieurs abonnés de Kélonia ont été conviés pour assister à l’événement. Ils attendent sur la plage avec impatience le premier relâché de tortue de l’année.
Mathieu et Hugo déposent Cassandre sur le sable. La tortue rejoint l’océan ti pas ti pas sous l’œil ému des petits comme des grands. Un moment très touchant.
Grâce à la balise météo France fixée sur sa carapace elle pourra renseigner sur la température de l’océan durant sa migration et lors de ses plongées.
Maintenant que les aurevoirs sont faits, les soigneurs regagnent Kélonia : c’est l’heure de la distribution des repas.
Une étape qui demande une certaine pratique. Il faut reconnaître chaque tortue et s’assurer qu’elles mangent toutes leur ration.
Pour Octavia ce sera un service haut de gamme : Hugo lui donne son repas à la pince.
Alors que nous étions sur le point de partir, Mathieu reçoit un appel.
On lui annonce qu’une tortue morte vient d’être repêchée du côté de L’Étang-Salé.
Le responsable du centre de soin s’en va immédiatement pour récupérer son cadavre. Elle sera autopsiée afin d’identifier la cause du décès.
En adoptant une conduite prudente en bateau (dans le respect de la charte d’approche) pour éviter de percuter les tortues et en ramassant ses déchets plastiques par exemple.
Il est temps pour nous de dire au revoir à l’équipe de Kélonia.
Cette matinée en compagnie de ces passionnés a été intense et riche en émotions. Elle nous a permis de découvrir les différentes facettes du merveilleux métier de soigneurs de tortue.