Au tout début du peuplement de notre île, à une époque où les tortues de Bourbon étaient 10 000 fois plus nombreuses que les Hommes, il n'existait que trois quartiers : Saint-Paul, première habitation des Français située aux abords de l'étang, Sainte-Suzanne, près des berges de la rivière Saint-Jean, et Saint-Denis non loin de la rivière du même nom.
Les premiers habitants de cette toute nouvelle colonie se virent rapidement imposés certaines règles qui ne furent pas tout de suite suivies à la lettre. Ce fût le cas pour l'interdiction de chasser, pour les mariages mixtes entre noirs et blancs, ainsi que pour le commerce avec les forbans.
L'île était déjà connue de ces écumeurs des mers depuis longtemps, mais l'installation d'une colonie leur permit de venir faire des escales de rafraîchissement et ainsi se fournir en vivres au près de la population.
L'Ouest fût donc le théâtre des ces troques illégaux, notamment sur le site de la Ravine Trois-Bassins. Cette ravine était désignée par le gouverneur comme frontière à ne pas dépasser si l'on souhaitait s'installer au sud de Saint-Paul.
À l’abri des regards, la nuit, les navires pirates s'engageant au plus près, dans l'embouchure de la « Ravine Interdite », y déposaient les forbans à la rencontre des Bourbonnais.
Forts de nombreuses prises d'importance qu'ils effectuaient sur la très riche route des épices, ces pirates faisaient le bonheur des habitants les plus transgressifs qui profitaient d'une balance commerciale plus que généreuse.
Le reste de la population ainsi que le gouverneur ne tardèrent pas à s'apercevoir du changement de vie de certains, et ces commerçants un peu spéciaux furent rapidement conviés en toute officieuse légalité, à traiter avec l'ensemble de la colonie. La nouvelle se répandit chez les Frères de la côte et ces pseudos marchands mais vrais criminels se retrouvèrent simultanément à plusieurs navires dans la Baie du Meilleur Ancrage (de Saint-Paul), en position de force, causant angoisses et insomnies au gouverneur en place, qui craignait alors pour la souveraineté de l'île.
Cette toute petite colonie naissante, où l'économie n'en était qu'à son balbutiement, où les colons préféraient de loin chasser que planter du café et où l'envoie de dizaines de navires depuis 50 ans constituait un gouffre financier, avait besoin d'un sérieux coup de pouce pour devenir rentable.
Le gouverneur Beauvollier de Courchant, en 1718, le trouva en accordant l'amnistie aux pirates qui en firent la demande. Ceci constitua un formidable coup d'accélérateur pour l'économie de l'île, grâce au numéraire introduit par les forbans, qui servit à l'achat de terres et d'esclaves destinés aux plantations de café.
C'est ainsi qu'aujourd'hui, vous, Mesdames et Messieurs Robert, Clain, Picard, Turpin, Wilman, Huet parmi vous autres qui constituez ensemble environ 30 % des Réunionnais, descendez des pirates !